Voici le point de vue d’un fonctionnaire de l’état civil
La réalité des mariages de complaisance, dits blancs ou gris, est indéniable. Mais, selon la façon dont on regarde le problème, le côté du miroir où l’on se trouve, l’image qu’on peut s’en faire n’est pas nécessairement la même. Voici le point de vue d’un fonctionnaire de l’état civil, Lionel Kesenne Fonctionnaire à l’Etat civil de Saint Gilles Naguère anecdotique, le mariage simulé, communément appelé " blanc ", est désormais une pratique courante. Destiné à contourner les lois sur le séjour des étrangers, le mariage blanc est l’association momentanée et intéressée de deux individus dont l’un est en séjour illégal. Classiquement, une somme d’argent est échangée. Le mariage célébré et les papiers obtenus, les deux époux se sépareront. Une évolution est cependant à noter. La réalité a rapidement évolué et les officiers de l’Etat civil sont confrontés au mariage dit " gris ". Dans ce type d’union, l’un des deux membres du couple croit à l’amour qui lui est porté. Pourtant, dès l’obtention de ses documents de séjour, le ressortissant étranger mettra fin à la relation conjugale. Le conjoint s’étant marié de bonne foi se retrouve dans une situation périlleuse. Affectivement et psychologiquement déstabilisé, il peut aussi être sociologiquement isolé. En effet, le mariage blanc ou gris a pu être décidé contre ou avec la volonté de la famille. Le mariage blanc met fréquemment en présence deux personnes originaires du même pays et souvent de la même ville. Le mariage blanc est alors la concrétisation d’une solidarité nationale, régionale ou familiale. Dans le cas du mariage gris, le ressortissant étranger en situation illégale peut aussi jouer de ces solidarités pour approcher la personne qui pourra lui permettre de se marier. Jouant de sa proximité géographique et culturelle, il convainc de l’honnêteté de ses intentions les parents de la jeune fille, car c’est souvent ce cas qui se présente, pressés de croire que seul un homme " du pays " est digne de leur fille. Dans ce cas de figure, la jeune fille se retrouvera d’autant plus déçue. Sa confiance aura été abusée, elle aura été instrumentalisée, mais, surtout, sa position par rapport à sa famille et à ce qu’elle considère comme étant sa communauté aura été fragilisée. En effet, le statut de divorcée n’est pas toujours facile à porter. Détentrice de l’honneur familial, elle a échoué dans ce que tous considéraient comme un événement fondamental de sa vie : son mariage. Autre cas rencontré par les officiers de l’Etat civil, celui du ressortissant étranger proposant le mariage à une femme qui ne fait pas partie de ce qu’il considère comme étant sa communauté. Dans ce couple en devenir, la future épouse présente un profil particulier et récurrent. La femme est généralement jeune, parfois déjà mère d’un enfant né d’une relation précédente, en rupture familiale, vivant d’aide publique et ayant abandonné l’école de manière précoce, parfois même souffrant d’un handicap mental. Dans tous ces cas de figure, la jeune fille cherche un homme pour l’aider dans sa vie quotidienne, pour l’épauler dans l’éducation de son enfant et pour la soutenir financièrement. En effet, à cette occasion, le réseau de solidarité du ressortissant étranger joue à plein et pourvoit, pendant le temps nécessaire, aux besoins de la jeune fille. Une nouvelle tendance est l’utilisation des enfants. L’homme se présente comme le soutien indispensable de sa compagne et manifeste sa bonne entente avec les enfants de cette dernière. Certains n’hésitent pas à prétendre être le père de l’enfant de leur compagne enceinte, malgré toutes les incohérences et les impossibilités matérielles qui ressortent de leur entretien avec l’officier de l’Etat civil. Autre cas, un homme précipite la conception d’un enfant pour rendre plus crédible son couple. L’enfant est donc devenu un moyen. On le voit, loin d’être une formalité innocente et sans conséquence, le mariage blanc ou gris peut être un véritable piège, un miroir aux alouettes. S’il voit parfois de fortes sommes d’argent échangées, il a comme terreau la misère, qu’elle soit matérielle, intellectuelle ou culturelle et, s’il apparaît pour certains comme une manière efficace de se fixer en Belgique, il faut garder à l’esprit les conséquences dramatiques de ce type d’union. Loin d’être un facteur d’intégration, le mariage simulé est un accélérateur de la marginalité